En tant que coach en alimentation vivante et auteure du livre «L’alimentation vivante simplifiée», je travaille activement à aider toute personne désireuse de consommer une Alimentation vivante équilibrée à pouvoir le faire avec succès, dans des conditions motivantes, et avec une connaissance suffisante des enjeux.

Un enjeu d’importance: comment obtenir une quantité optimale de vitamine B12 au travers une alimentation crudivégétalienne (crudivore).

L’importance de la vitamine B12

Pourquoi accorde-t-on de l’attention plus spécifiquement à la vitamine B12?

Voyez-vous, c’est que cette vitamine joue un rôle crucial dans la santé de l’humain. La vitamine B12 occupe, entre autres fonctions, un rôle important dans la formation de l’ADN [notre code génétique].

La personne moyenne (donc, non végétarienne) possède une réserve corporelle de vitamine B12 qui se situe entre 2000 et 3000 pg (picogrammes). [Un picogramme représente un millième de milliardième de gramme.]

On en perdrait environ 3 pg par jour.

Environ les 2/3 de cette réserve se situe dans le foie, alors que le reste se trouve dans les muscles.

Il existe un circuit spécial, emprunté par la vitamine B12, qui en minimise la perte: la circulation entérohépatique [entéro: qui a trait à l’intestin; hépatique: qui a trait au foie].

Dans ce circuit, la bile achemine environ 1,4 pg de vitamine B12 à l’intestin grêle.

Une personne en santé réabsorbe environ la moitié de la vitamine sécrétée. Des recherches ont démontré qu’avant même qu’une carence ou une déficience se manifeste, lorsque les quantités de vitamine B12 sont plus basses que nécessaires, le taux de réabsorption de cette vitamine augmente.

Un si ingénieux système, minimisant les pertes et maximisant la réabsorption, nous laisse entrevoir l’aspect crucial de la vitamine B12 dans la santé humaine.

Fonctions importantes de la vitamine B12

La précieuse vitamine B12 remplit deux fonctions cruciales au sein de l’organisme humain (parmi d’autres).

La première fonction est d’assister dans la transformation enzymatique de molécules d’homocystéine en molécules de méthionine. [La méthionine est un acide aminé qui sert à former des protéines, entre autres.]

Si ce processus est entravé, le taux d’homocystéine augmente dans notre organisme, ce qui conduit à une augmentation du risque de maladies cardiovasculaires et à la détérioration des artères et des nerfs.

Un taux élevé d’homocystéine agit comme une toxine systémique.

On peut aussi avoir un taux élevé d’homocystéine s’il y a carence en vitamine B9 (acide folique).

Le résultat d’une telle déficience, que ce soit en vitamine B9 ou B12, est une anémie macrocytaire [macro: gros; cytaire: qui a trait à la cellule; les globules rouges sont plus gros que normalement] aussi connue sous le nom d’anémie pernicieuse.

La deuxième fonction est [au sein de la voie de Wood-Ljungdahl] un mécanisme qui permet la récupération de molécules de monoxyde de carbone pour en faire des composés organiques plus complexes utilisés par l’organisme.

Un fait intéressant: s’il n’y a pas suffisamment de vitamine B12 pour compléter ce mécanisme, un résidu s’accumule dans le sang et l’urine, l’acide méthylmalonique.

Comme la vitamine B12 est la seule co-enzyme requise dans cette voie, le taux d’acide méthylmalonique représente une excellente mesure d’une éventuelle déficience en B12.

En fait, c’est maintenant considéré comme la façon la plus exacte d’établir la carence en vitamine B12, parce qu’un taux sanguin adéquat de B12 n’est pas une garantie absolue en soi. [Le taux sanguin de vitamine B12 totalise les formes actives et inactives de la vitamine, sans pour autant les différencier.]

Donc, pour obtenir une image exacte, il est préférable d’utiliser la mesure du taux d’acide méthylmalonique dans l’urine ou le sang: l’acidémie méthylmalonique.

Alors qu’avant la découverte de la corrélation entre acide méthylmalonique et la vitamine B12, un taux sérique de 200 pg était considéré comme bon, aujourd’hui, on considère qu’il est nécessaire d’avoir 450 pg de vitamine B12 dans le sang pour une pas souffrir de déficience, et maintenir un taux normal d’homocystéine.

Symptômes et causes de déficience en vitamine B12

Les symptômes de déficience sont variés, et il est important de les connaître afin d’en éviter les conséquences.

Le premier symptôme: manque d’énergie. Il est fort possible que ce soit le coupable dans le manque d’énergie de bien des novices en alimentation vivante (outre le fait de ne pas obtenir un mélange adéquat pour leurs constitutions particulières de protéines, de glucides et de lipides).

Un second symptôme de déficience en vitamine B12, facile à reconnaître, sont un groupe de troubles neurologiques spécifiquement associés.

Certains de ces troubles sont irréversibles (ou presque), alors il est important de les connaître et d’y remédier le plus rapidement possible.

On parle de neuropathie périphérique [perte de sensibilité, picotements et/ou engourdissements des extrémités].

La dégénérescence affecte autant les nerfs périphériques que la colonne vertébrale.

La dégénérescence peut aussi se manifester comme une dépression, une mémoire qui défaille, des changements de comportements, de la paranoïa, de la nervosité, ou encore des réflexes hyperactifs.

Physiquement, une carence en vitamine B12 peut entraîner: diarrhée, fièvre, infections respiratoires, infertilité, trouble érectile, muqueuse vaginale enflée, langue douloureuse, muqueuse buccale enflée, et saignements.

Au niveau du sang, on observe des globules rouges anormalement gros [macrocytes] et des taux bas de plaquettes et de globules blancs.

Et la cause d’une déficience en vitamine B12?

La carence peut être due à un apport alimentaire insuffisant, ou encore à une absorption défaillante.

Les problèmes d’absorption sont dus soit à un manque d’acide dans l’estomac, soit au manque de facteur intrinsèque. [Le facteur intrinsèque est une molécule qui se combine à la vitamine B12, et en facilite le transport jusqu’au lieu où elle est absorbée, dans le jéjunum, une section de l’intestin grêle.]

La recherche actuelle démontre que la déficience en vitamine B12 est assez courante chez les personnes qui ne prennent pas de supplément, encore plus parmi les personnes végétaliennes (dont les crudivores).

Il est particulièrement important de veiller à un apport adéquat pour les femmes strictement végétaliennes enceintes et celles qui allaitent.

Une déficience serait catastrophique pour un bébé: un manque de vitamine B12 entrave la formation de l’enveloppe de myéline des cellules nerveuses.

Le poupon carencé sera léthargique, se développera lentement, ne grandira que peu ou pas du tout, manquera de tonus musculaire et son acuité sensorielle décroîtra. Il souffrira, évidemment, d’anémie macrocytaire.

Avec une supplémentation adéquate, cependant, il est possible de rencontrer tous les besoins de l’humain, du bébé allaité jusqu’à l’adulte.

Quelques statistiques et matière à réflexion

La recherche actuelle tend à démontrer que les adultes végétariens n’ayant pas pris de suppléments de vitamine B12 depuis 6 ans ou plus ont généralement un taux plus bas de B12 que les adultes omnivores.

Une étude réalisée en 1994 a révélé qu’une vaste majorité (81%) des adultes végétaliens (cuits) affichent moins que 200 pg de vitamine B12.

Les personnes végétaliennes qui consomment leurs aliments cuits et celles qui mangent leurs aliments crus ont généralement des taux comparables de vitamine B12, d’après les études faites jusqu’à maintenant.

Une étude menée par Dunn & Scott en 1982 a révélé que 92% des crudivores de la Natural Hygiene Society (regroupement de personnes appliquant une approche hygiéniste) avaient moins de 200 pg de vitamine B12 (en fait, plus de la moitié de ces hygiénistes avaient des taux de moins de 100 pg).

Le taux de déficience en vitamine B12 a tendance à augmenter avec le temps en suivant une diète hygiéniste.

On a étudié le statut vitaminique (en B12 spécifiquement) de stricts crudivégétaliens de longue date en Finlande, en 1995.

On a trouvé un taux de déficience de 66% des personnes (sous 200 pg).

Chez des amateurs d’alimentation vivante qui consomment régulièrement 1 c. à soupe (15 ml) levure alimentaire additionnée de vitamine B12, le taux de déficience est de 15%.

Sources fiables végétaliennes de vitamine B12

Il a été un temps où plusieurs «experts» recommandaient aux personnes végétaliennes de consommer des algues ou des probiotiques pour combler leurs besoins en vitamine B12.

Clairement, avec les années de recul et les conséquences désastreuses qui en ont résulté, cela ne suffit pas.

Les algues et micro-algues contiennent bel et bien une forme active de vitamine B12.

Le problème, c’est qu’elles contiennent aussi une forme analogue, inactive, qui entrave la véritable B12.

Les algues fraîches semblent être légèrement préférables aux séchées: en effet, lorsqu’on les compare, la consommation de nori fraîchement cueilli (non séché) n’affectait pas le statut en vitamine B12, alors que la consommation de nori séché l’affectait négativement (augmentait le taux d’acide méthylmalonique, indiquant que le taux de vitamine B12 a chuté).

Il reste encore beaucoup à apprendre dans ce domaine, comme vous pouvez le constater.

Certains se rabattent sur le fait que certaines bactéries qui peuplent le colon humain sécrètent de la vitamine B12, et qu’il serait donc possible d’en obtenir suffisamment, «à l’interne» si je peux m’exprimer ainsi.

Tristement, il semblerait que cette B12 ne puisse être absorbée, étant sécrétée bien loin du jéjunum, endroit où l’absorption de la vitamine B12 se produit véritablement.

En observant certains mammifères, certaines personnes se sont convaincues qu’il est possible de produire à l’interne suffisamment de vitamine B12 pour combler nos besoins, puisque, argumente-t-on, ces bêtes y arrivent très bien.

Il a sûrement échappé à l’attention de ces personnes, par ailleurs bien intentionnées, que les bêtes consomment régulièrement de la matière fécale en même temps que leurs repas.

Et, pour aller jusqu’au bout de cet argument (puant!), oui, des essais ont été effectués, par le célèbre Dr. Herbert, qui ont démontré qu’une personne déficiente en vitamine B12 peut très bien guérir sa déficience en consommant un extrait préparé à partir de ses propres matières fécales.

Mais, entre vous et moi, qui voudrait le faire? Ouach!

Est-ce que les fruits et légumes non lavés, de culture biologique, offriraient un meilleur apport en vitamine B12, grâce aux micro-organismes qui s’y accrocheraient?

Bien que certains auraient voulu qu’il en soit ainsi, la recherche actuelle tend à prouver que ce ne sont pas des sources fiables d’un nutriment si crucial.

Dans la nature, les animaux mangent bel et bien leurs végétaux sans les laver, mais ils ingèrent en même temps terre, débris, matières fécales, oeufs, larves et insectes divers.

Une perspective rébarbative pour plusieurs…

Tout ceci ayant été dit, les seules sources fiables de vitamine B12 à l’heure actuelle pour nous, amateurs d’alimentation vivante, avec la compréhension en science nutritionnelle que nous avons, consiste soit à prendre un supplément, soit à consommer des aliments fortifiés (aliments auxquels on ajoute de la vitamine B12).

Niveau optimal de vitamine B12

Pour avoir une idée précise de notre statut en vitamine B12, il est important de demander une acidémie méthylmalonique.

Elle est une mesure beaucoup plus précise et un indicateur beaucoup plus direct du taux de vitamine B12 utilisable dans l’organisme.

Un taux entre 0.00 et 0.40 µmol/L est une niveau adéquat pour la plupart des adultes.

Si cela s’avère impossible d’obtenir cette mesure, alors visez un taux sanguin de tout près de 500 pg (pour un adulte) pour éviter toute carence.

Indicateurs de carence et comment y remédier

La seule et unique façon de savoir si vous obtenez suffisamment de vitamine B12 consiste à demander à votre professionnel de la santé un bilan de santé, de tester le taux d’acide méthylmalonique.

Si on découvre une carence, la façon la plus rapide de rétablir les choses, c’est l’injection.

Alternativement, une supplémentation orale suffit pour rétablir et maintenir un niveau de vitamine B12 adéquat dans l’organisme.

Les formes de vitamine B12 à privilégier sont les suivantes: hydroxocobalamine, méthylcobalamine (mécobalamine), adénosylcobalamine (cobamamide).

La cyanocobalamine produit un résidu métabolique indésirable et toxique. Il est préférable de l’éviter.

Si vous optez pour la supplémentation via des aliments fortifiés, calculez combien il vous en faut de portions pour rencontrer vos besoins nutritionnels (à partir de l’analyse nutritionnelle sur l’étiquette), et veillez à les consommer régulièrement.

Il existe, évidemment, l’option de consommer des aliments non végétaliens et non crus, si vous n’êtes pas strictement végétalien ou crudivégétalien.

Il appartient à chacun de réfléchir à ce qu’il préfère et trouve acceptable pour maintenir sa santé.

L’important ici, c’est d’avoir une source fiable et régulière de vitamine B12. La santé optimale vous éludera tant que ce nutriment fera défaut.

Santé Canada recommande une consommation de vitamine B12 de 2,4 µg par jour pour les personnes âgées de plus de 14 ans; de 2,6 µg pour les femmes enceintes; et de 2,8 µg pour les femmes qui allaitent.

Bises vitaminées,

Sheryl-Anne xx

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